L’Indonésie a donné lundi le coup d’envoi d’un ambitieux programme de repas gratuits de 4,2 milliards d’euros pour lutter contre le retard de croissance dû à la malnutrition, une promesse électorale clé du président Prabowo Subianto.
Prabowo, qui a succédé à Joko Widodo en octobre, s’est engagé à fournir gratuitement des repas nutritifs à des dizaines de millions d’écoliers et de femmes enceintes, affirmant que cela améliorerait leur qualité de vie et stimulerait la croissance économique.
«C’est historique pour l’Indonésie qui mène pour la première fois un programme national de nutrition pour les tout-petits, les étudiants, les mères enceintes et allaitantes», a déclaré dimanche soir le porte-parole de la présidence Hasan Nasbi.
Au moins 190 cuisines gérées par des services de restauration tiers ont ouvert leurs portes dans tout le pays, la majorité privées ou certaines gérées par des bases militaires.
«Je suis content parce que la nourriture était délicieuse… Je peux me concentrer davantage lorsque j’étudie», a confié à l’AFP Khalifa Eldrian, jeune élève dans une école primaire de l’est de Jakarta, après avoir terminé son plateau composé de riz, de poulet, de légumes et d’une banane.
Le gouvernement a alloué le modeste somme de 10 000 roupies (0,59 euro ou 0,88$ canadiens) par repas. Le budget global du programme est de 71 000 milliards de roupies (4,2 milliards d’euros) pour l’exercice 2025 avec pour objectif à terme de fournir des repas à près de 83 millions de personnes d’ici à 2029.
Le programme vise à lutter contre le retard de croissance, qui touche 21,5% des enfants dans le vaste archipel de quelque 282 millions d’habitants. L’Indonésie espère réduire ce taux à 5 % d’ici 2045.
À Bogor, non loin de Jakarta, le personnel a commencé à travailler sans relâche juste après minuit. «Nous servons des menus différents chaque jour, il doit être différent pour que les enfants ne soient pas lassés», a déclaré Ayu Pertiwi, membre du personnel.
Même avec un budget limité, elle assure être en mesure de servir des repas nutritifs tels que des œufs et du poisson, même si de la viande ne sera probablement servie que deux fois par mois.
«Nous pouvons toujours créer différents menus, mais les options sont limitées. Pour nous, le plus important est que le repas soit nutritif», a-t-elle ajouté.
Promesses de campagne
Prabowo a fermement défendu ce programme durant sa campagne présidentielle. Les régions les plus pauvres et les plus isolées de l’archipel d’Asie du Sud-Est seront prioritaires, a précisé son équipe.
Mais les premiers tests menés à la fin 2024 l’ont été principalement dans des centres urbains et les évaluations n’ont pas été rendues publiques, a relevé Tan Shot Yen, nutritionniste et médecin basée à Jakarta.
Le gouvernement doit faire preuve de transparence et assurer une gestion solide de la sécurité alimentaire pour prévenir les dangers et l’utilisation de produits transformés peu sains, tels que les nouilles instantanées et les saucisses, a-t-elle également souligné.
«J’espère que ce programme n’est pas seulement un effort caritatif temporaire pour tenir des promesses politiques», a-t-elle déclaré.
«Sur le long terme, le gouvernement devrait se concentrer non seulement sur le financement mais aussi sur l’autonomisation des communautés afin que (les bénéficiaires) ne dépendent pas simplement de repas gratuits une fois par jour tout en luttant pour trouver de la nourriture pour les deux autres repas quotidiens», a-t-elle encore dit.
Peu après son arrivée au pouvoir, Prabowo s’est rendu dans plusieurs pays, dont les États-Unis et le Royaume-Uni, pour obtenir un soutien financier.
En Chine, lors de sa première visite en tant que président en novembre, il a conclu un accord de 10 milliards de dollars (9,7 milliards d’euros) avec son homologue Xi Jinping pour un soutien dans plusieurs secteurs, notamment pour ce programme de repas gratuits.
Pour autant, certains analystes se montrent sceptiques sur la viabilité à long terme de l’ambitieux programme.
«Je suis plutôt pessimiste si tout est assumé par le gouvernement central. Économiquement, ce n’est pas durable, a déclaré à l’AFP Aditya Alta, analyste au sein du Centre d’études politiques indonésien de Jakarta. Le retard de croissance est un problème multidimensionnel et il ne peut pas être résolu par une seule approche.»