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François Bayrou reste, pour l’instant, à Matignon. La motion de censure, déposée par la gauche sans les socialistes, a été rejetée par l’Assemblée nationale ce jeudi 16 janvier. La motion a été approuvée par 131 députés – 71 insoumis, 38 écologistes, 17 communistes et 8 socialistes –, loin des 288 nécessaires pour faire chuter le Premier ministre.
Le suspense ne résidait pas tant dans l’issue du scrutin – le RN avait annoncé qu’il ne voterait pas cette fois-ci avec le NFP – mais dans la position du PS qui, depuis 2022, avait quasiment toujours joint ses voix au reste de l’alliance de gauche sur de telles motions. Une position qui a provoqué des réactions courroucées des insoumis envers leurs collègues socialistes.
« Arracher des concessions »
En début d’après-midi, les députés socialistes avaient annoncé qu’ils ne voteraient pas la motion. Le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a défendu devant un hémicycle clairsemé le choix de son parti d’incarner « une gauche qui propose et qui avance », et s’est félicité des concessions « arrachées » à François Bayrou, en faveur de la justice fiscale, de l’Education nationale ou d’une remise en chantier de la réforme des retraites, « clé de voûte » de la négociation.
Il a cependant prévenu : le PS restera « dans l’opposition », se réservant la possibilité « à tout moment » de censurer le gouvernement. Chahuté par les insoumis, Olivier Faure a réaffirmé son souhait que le Parlement « ait le dernier mot » sur les retraites, et juré que si le débat était « verrouillé », le PS « déposer (ait) une motion ». « Savourez la fin du NFP ! », a lancé dans l’hémicycle le député Horizons Sylvain Berrios, membre de la majorité.
Huit députés socialistes – dont deux des Pyrénées-Atlantiques, fief politique de François Bayrou – ont toutefois voté pour la censure, comme Fatiha Keloua Hachi qui s’est expliquée : « Ce que propose le gouvernement Bayrou est loin de répondre aux enjeux actuels, même avec les avancées obtenues par les socialistes ».
De son côté, le député PS du Bas-Rhin Thierry Sother, qui n’a pas voté la motion de censure, explique que « plutôt que de risquer la politique du pire, les socialistes arrachent des concessions allant dans le sens de notre programme : sur les retraites, l’école ou encore l’hôpital ».
Une « fracture » pour Mélenchon
Porte-parole du groupe écologiste et social, Benjamin Lucas a tempéré auprès de la presse la portée d’un « désaccord stratégique » qui « n’efface pas une alliance ». Dans son discours à la tribune de l’Assemblée, le coordinateur de la France insoumise Manuel Bompard avait dénoncé « l’irresponsabilité » de ceux qui se prêtent à une « comédie », estimant que « les jours » de la nouvelle équipe gouvernementale, mise en place fin décembre, étaient « comptés ». « Quand il tombera, le monarque (Emmanuel Macron) suivra », a-t-il lancé.
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La question de la censure se reposera à nouveau lors de l’adoption à l’Assemblée des budgets de l’Etat et de la Sécurité sociale, d’ici fin février. François Bayrou, qui pas davantage que ses prédécesseurs Michel Barnier, Gabriel Attal et Élisabeth Borne ne dispose de majorité, pourrait être amené à dégainer l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, s’exposant à de nouvelles motions de censure.
Le chef de file des Insoumis, Jean-Luc Mélenchon, a fustigé sur X (ex-Twitter) une décision qui « fracture » l’alliance de gauche. « Mais (le PS) capitule seul. Les trois autres groupes votent la censure », s’est-il réjoui.
Les gestes de Bayrou
Plus tôt dans l’après-midi, François Bayrou avait fait de nouvelles concessions aux socialistes, en acceptant de renoncer à l’allongement du délai de carence d’un à trois jours en cas d’arrêt maladie pour les fonctionnaires et en confirmant un projet de taxe sur les hauts revenus, qui doit rapporter deux milliards d’euros mais qui a vocation à être remplacée par « un dispositif pérenne de lutte contre une injuste optimisation fiscale », « au plus tard » pour le budget 2026.
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Des concessions brocardées par Sébastien Chenu, du groupe Rassemblement national. Pour lui, le PS, « telle une tribu indigène », s’est laissé « amadouer avec de la verroterie », rendant l’examen de la motion « stérile ». « Nous ne vous menaçons de rien, mais nous vous attendons sur des actes », a-t-il lancé au Premier ministre.