Le « PLQ nouveau », voilà comment j’appelle le parti de Mercier, Godbout et Lesage qui, comme le Beaujolais du même nom, change désormais selon la saison, selon le chef, selon les sondages. Il peut tantôt proposer d’être nationaliste et d’épouser la Charte de la langue française, pour renier tout ça le lendemain comme à l’époque de Dominique Anglade ou croire qu’il faut abolir les subventions aux écoles religieuses sous Marc Tanguay pour se découvrir un attachement aux mêmes écoles après coup.
Comme tous ceux qui se cherchent une identité, le problème du PLQ est de manquer de mémoire. Pour l’aider, je propose de consulter un de ses maîtres à penser, Claude Ryan, dont le testament politique, « Les valeurs libérales et le Québec moderne », est toujours disponible sur le site du parti.
« L’identification avec le Québec passe d’abord avec sa majorité francophone, écrit Ryan à la page 25. Et plus loin : « Le Parti libéral a reconnu le caractère propre que sa majorité francophone imprime à la société québécoise en prenant l’engagement de veiller à toujours affirmer et défendre le caractère français du Québec, et surtout en étant lui-même un parti à forte prépondérance francophone sans préjudice toutefois de l’égalité des droits de tous les membres » (page 27).
L’anglais
Le PLQ nouveau a beau répéter à plus soif le leitmotiv « qu’il faut conquérir les régions du Québec et reconnecter avec le Québec français », il semble pourtant a contrario de l’énoncé de Claude Ryan. Il continue à ne s’intéresser qu’à une seule région, celle de Montréal et plus particulièrement aux comtés anglophones, son assise électorale. Ainsi est-il fort préoccupé par l’accès aux soins de santé des anglophones, eux qui ont pourtant hôpitaux et institutions nombreux et bien financés, et par l’accès aux Cégeps et universités qui dépasse pourtant largement le poids démographique de cette minorité. Voici ce que déclarait le candidat Férédéric Bauchemin pendant le congrès :
«En tant que parent, ce que j’aurais souhaité pour mes enfants, c’est de les envoyer au cégep de leur choix pour qu’ils puissent aller dans l’université de leur choix. Et s’ils veulent aller dans une université anglophone parce qu’ils veulent avoir une carrière internationale ou une carrière basée à Montréal avec des clients à l’international, parler anglais, c’est une bonne affaire pour eux autres».
C’est un peu comme si le PLQ nouveau voulait refaire la bataille de Saint-Léonard mais à l’envers : ouvrir encore plus d’écoles anglophones (cégeps et universités) aux francophones et allophones. À cet égard, la lettre de l’actuel président du PLQ, Rafaël P. Ferraro dans le Journal jeudi le 14 novembre est éloquente. Celui-ci tente d’atténuer les propos tenus pendant le congrès de Lévis en ce qui concerne l’enseignement du français en se livrant à une analyse de contenu qui vise à démontrer qu’on a traité de bien d’autres sujets que la langue d’enseignement, en outre de la réussite scolaire et d’économie. Voilà une réelle tentative de diversion illustrant à quel point le PLQ est déconnecté du Québec et surtout de sa majorité francophone qui, n’en déplaise au parti, est vraiment préoccupé par l’avenir de sa langue et de sa culture”.
À ce sujet, de récents chiffres dévoilés par le Commissaire à la langue française, Benoît Dubreuil, font pourtant état de reculs du français au Québec et ses conclusions sont sans appel sur la relation entre la langue d’enseignement et la langue de travail. Ainsi, ceux qui ont fait leurs études supérieures en français sont-ils proportionnellement beaucoup plus nombreux à travailler dans cette langue, selon le Commissaire. Les conclusions de ces études sont un vif plaidoyer pour étendre l’application de la Charte de la langue française au cégep. Mais les aspirants chef futur PLQ nouveau n’en ont cure.
Moins de pouvoirs au Québec
Pablo Rodriguez, le meneur présumé de la course au leadership, voudrait lui s’attaquer à l’utilisation préemptive de la clause dérogatoire comme il l’a affirmé à Mario Dumont le 27 septembre dernier. Cela équivaut, ni plus ni moins, à vouloir enlever encore davantage de pouvoir au Québec. Il fut un temps où, au lieu de tenter de diminuer les pouvoirs de la Belle province, le PLQ voulait la réintégrer dans la constitution, (ce qui donna Meech…).
Maintenant qu’il a renoncé à transformer la constitution canadienne, le PLQ nous parle d’une constitution québécoise. Voilà qui me semble particulièrement singulier de la part d’un parti qui change continuellement d’idée sur la Charte de la langue française, la laïcité et d’autres éléments fondamentaux de l’identité québécoise. Comment un parti qui a l’habitude de tergiverser sur ces questions, peut-il proposer d’en enchâsser la déclinaison et le contour pour les générations dans une constitution qu’on devine ne pas être modifiable à volonté?
Engagement
Mais revenons à Claude Ryan. Voici ce qu’écrit l’ancien chef du PLQ à propos des liens entre le PLQ et le PLC : « Le Parti libéral était sorti de la Deuxième Guerre mondiale avec une crédibilité « québécoise » affaiblie. Après avoir heurté de front des secteurs importants de l’opinion, il devait convaincre la population que son premier engagement était envers le Québec » (page 25).
L’histoire nous enseigne que c’est avec le « Maître chez nous » de Lesage que le PLQ se détacha de son grand frère fédéral, mais, surtout, que se façonnèrent à la fois le nationalisme du PLQ et une révolution tranquille qu’il forgea de main de maître. Il serait dommage de renier ce fabuleux legs en faisant le chemin inverse : se contenter de n’être que la succursale d’un PLC pourtant plus impopulaire que jamais en épousant ses lubies clientélistes (les minorités d’abord) et son antinationalisme primaire.
Quel mauvais calcul politique pour un parti qui veut « reconnecter avec les francophones »… Est-ce que le PLQ nouveau finira en bout de piste par ressembler au PLQ ancien et qu’on a cru un temps définitivement oublié : celui d’un fédéralisme à plat ventre qui n’a d’ambition pour le Québec que d’être une province comme les autres?
Marc Tremblay
Diplômé en sciences politiques
Retraité des communications