Dominique Barrau, après avoir passé onze années comme secrétaire général de la FNSEA, sans compter les mandats locaux et régionaux qu’il a pu occuper, garde un œil attentif sur la situation agricole et en particulier sur l’accord du Mercosur qui pourrait être entériné ces prochains jours.
Lors de la dernière session de la chambre d’agriculture, l’actualité est forcément venue s’inviter dans les débats et les motions votées comme à chaque fois lors de ces assemblées. Celle concernant les répercussions qui suivront la signature des accords du Mercorsur a été l’occasion pour Dominique Barrau, membre associé de la Chambre, de replacer ce dossier dans un contexte plus large.
Alors que jeudi et vendredi, à Montevideo en Uruguay, se tient le sommet du Mercosur. Ce rendez-vous pourrait être l’occasion de faire un pas décisif pour la signature de l’accord de libre-échange avec l’Union européenne.
L’ancien secrétaire général de la FNSEA a ainsi proposé un retour en arrière, permettant de mieux comprendre comment et pourquoi cet accord était arrivé sur la table de l’Union européenne et surtout les conséquences qu’il pouvait avoir si jamais il était ratifié. « Il s’agit aujourd’hui de la dernière grande étape d’une histoire qui a commencé il y a près de trente ans où cet accord de libre-échange entre des pays d’Amérique du Sud, membres du Mercosur, et l’Union européenne, qui n’était pas celle que l’on connaît aujourd’hui, était déjà évoqué », raconte Dominique Barrau.
« Les paysans ne capituleront pas ! »
À l’époque il s’agissait de préparer le passage du Gatt (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, créé au lendemain de la Seconde guerre mondiale) à l’OMC (Organisation mondiale du commerce) et donc de « libérer les échanges commerciaux à une échelle globale et d’y inclure l’agriculture. À cette époque, le président de la FNSEA était Raymond Lacombe, André Cazals était premier vice-président des chambres d’agriculture, etc. Les Aveyronnais étaient bien placés pour nous parler de tous ces sujets. Et ils étaient catégoriques : il ne faut jamais laisser faire ça ! »
« Raymond Lacombe avait publié un édito dans Le Monde intitulé Les Paysans ne capituleront pas ! Tout était dit. Il expliquait qu’il ne fallait pas traiter l’agriculture comme n’importe quel autre secteur.
Au risque d’accentuer l’exode rural. Il avait cette vision que se réalise aujourd’hui », poursuit Dominique Barrau qui évoque également la grande manifestation qui avait rassemblé plus de 300 000 agriculteurs à Paris, en 1991 pour « Le Dimanche des terres de France » où la question du revenu des agriculteurs était déjà posée.
Et puis, « ce qui a plutôt bien marché en Aveyron avec, par exemple, un plateau de l’Aubrac avec des vaches allaitantes et qui produisent des animaux parfaitement marchands, serait remis en cause. Cet accord donnerait un coup de poignard dans ce système en faisant rentrer des animaux loin des standards européens qui sont sociaux, environnementaux ».
Pour Dominique Barrau, « le véritable problème est de signer un tel accord en ce moment. D’une part il faut, en Europe, faire une pause sur les exagérations qu’on nous demande sur les moyens de production pour laisser le temps à l’Amérique du Sud de monter en gamme. Au lieu d’ouvrir les frontières, comme à l’époque où le traité a été proposé, on sent une volonté d’impérialisme de certains pays. N’est-il pas temps de faire une pause ? Il y a au moins deux raisons à ça : nous sommes bousculés au niveau géopolitique et même si le système de production va dans la bonne direction, il ne faut pas aller trop vite. Les agriculteurs ont le sentiment d’être jetés dans la gueule du loup. »