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«On travaille dans un bunker»: des mesures de sécurité extrêmes toujours en place 10 ans après l’attentat du «Charlie Hebdo»


À l’aube du 10e anniversaire de l’attaque terroriste qui a décimé la rédaction de Charlie Hebdo, les artisans du désormais célèbre journal satirique français doivent encore vivre au quotidien avec d’importantes mesures de sécurité. C’est le prix à payer, estiment-ils, pour continuer de défendre la liberté d’expression, malgré les menaces constantes dont ils sont l’objet.

Rien n’est laissé au hasard, a découvert Le Journal lors d’une série d’entrevues menées avec des membres de Charlie Hebdo et son ancien responsable de la sécurité.

L’adresse du journal est tenue secrète, il n’est pas possible pour les médias de réaliser des entrevues dans ses bureaux, et des agents de sécurité accompagnent les vedettes de Charlie lorsqu’ils participent à un événement public.

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Tout ça pour avoir un jour publié des caricatures du prophète Mahomet.



charlie hebdo


Cette couverture de «Charlie Hebdo» avait suscité la controverse.


Photo d’archives

«On travaille dans un bunker», confie Coline Renault, une des nouvelles plumes de Charlie.

«Voyez, je suis dans une pièce sans fenêtre», dit avec amusement le reporter-dessinateur Juin, sur Zoom, avant de détailler son quotidien.

«Je fais attention à qui je parle dans la rue, qui m’aborde, qui est derrière moi quand je rentre au journal. Je ne dis pas à toutes les personnes que je rencontre, ou à mes voisins, ce que je fais.»

«Sidérant»

Charlie Hebdo a fait l’objet de sérieuses menaces après avoir publié des caricatures du prophète Mahomet en 2006. Ses locaux ont été visés par un incendie criminel, en 2011, si bien que des mesures de sécurité avaient déjà été mises en place avant le 7 janvier 2015.

Ce jour-là, deux terroristes islamistes, les frères Chérif et Saïd Kouachi, armés de fusils d’assaut, ont réussi à pénétrer dans la salle de rédaction de Charlie Hebdo et y ont tué 12 personnes, dont les dessinateurs Cabu, Charb, Honoré, Tignous et Wolinski.

Très vite, des mesures de sécurité «extrêmes» ont été déployées pour permettre à la publication de poursuivre ses activités. Tous les déplacements des artisans du journal, notamment, devaient se faire sous haute surveillance.



charlie hebdo


D’intenses mesures de sécurité avaient été déployées après l’attaque de Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015.


Photo d’archives

Une décennie plus tard, le niveau de vigilance n’a malheureusement pas pu être abaissé.

Selon une estimation datant de 2019, le coût de la protection de Charlie Hebdo se chiffre à 1,5 million d’euros par an, à la charge du journal (2,2 M$ CA).

«Qu’en 2025, on soit obligé de mettre en place de tels dispositifs pour éviter qu’un drame se reproduise et pour permettre à des gens tout simplement de faire usage de leur liberté de penser, d’expression, d’écrire, de dessiner, c’est quand même sidérant», s’émeut Éric Delbecque, qui a veillé à la sécurité de Charlie Hebdo durant les années qui ont suivi l’attaque.

Un prix à payer «pas si élevé»

Certes, la sécurité est un fardeau, mais Juin, qui a rejoint la rédaction de Charlie Hebdo quelques mois après le 7 janvier, n’y voit pas un frein.

«Mon travail est créatif, je peux proposer tout ce que je veux au journal. Si c’est ça le prix à payer, il n’est pas très élevé.»

Arrivée en 2023, et donc parmi les plus jeunes talents du journal, Coline Renault affirme se sentir en confiance au point où elle a refusé d’utiliser un nom d’emprunt pour signer ses reportages.

«Il n’y a aucun problème de dire si on a peur, si on n’a pas envie de participer à un événement en dehors du journal, si on ne veut pas avoir notre photo. On nous a proposé à plusieurs reprises de signer sous pseudo. Ils sont très respectueux des peurs et des ressentis de chacun. Mais pour moi, ça n’a pas été une question, parce que les locaux sont quand même très bien protégés.»

Persona non grata en Turquie

Travailler pour Charlie Hebdo n’est quand même pas un métier de tout repos. Coline Renault s’en est aperçue quand elle a pondu un reportage sur la diaspora turque après la publication controversée de caricatures du président Erdogan.

«Je me suis dit: oh, celui-là, c’est possible que ça passe mal. Je l’ai quand même signé sous mon nom, mais après, j’ai réalisé que je ne pourrais plus aller en Turquie.»

Juin a pour sa part subi les foudres des catholiques après avoir dessiné une Sainte Vierge couverte de postules après avoir contracté la variole du singe.

«On me disait que j’allais rôtir en enfer, mais aussi qu’ils priaient pour mon salut. C’était assez schizophrénique. J’ai reçu aussi des fioles de petites Vierges en plastique avec de l’eau bénite dedans. C’est mieux qu’un cercueil.»

Censure? Non

Malgré les menaces, tous les artisans interrogés par Le Journal assurent qu’il n’y a pas d’autocensure chez Charlie Hebdo.

«Si on choisit de venir à Charlie Hebdo, et c’est encore plus vrai depuis 2015 évidemment, c’est parce qu’on a envie d’être là et pas ailleurs. Dans cette optique, l’autocensure n’a pas sa place», résume le rédacteur en chef, Gérard Biard.





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